LA RÉALITÉ ASSOCIATIVE AU MAROC : Les obstacles auxquels fait face le mouvement associatif au Maroc
من Rim Moussaid
حقوق_الانسان
Une association, en général, est une institution à caractère non lucratif qui œuvre à limiter les fléaux de tous genres : pauvreté, chômage notamment au niveau des diplômés, manque d’infrastructures, ou encore violence domestique, racisme, sexisme, et violations de droits de l’Homme, entre autres fléaux dont souffre chaque société. Elle vise également à promouvoir des valeurs nobles et universelles au sein de la société, et plus particulièrement parmi les jeunes, acteurs de demain. Des valeurs qui constitueront les fondements d’une société bâtie par des insoumis, qui ont osé dire non à l’injustice, et qui ont réussi à mettre en œuvre des solutions pratiques pour faire face à ces enjeux.
Toutefois, cette image ne se présente pas à l’esprit marocain en évoquant le mot ‘association’, c’est plutôt une institution qui justifie ses enfreintes par le malheur des autres. Une institution qui médiatise la souffrance des pauvres pour nourrir ses caisses, et gagne du pouvoir politique sous le nom de militantisme pour les droits de l’Homme. Dans un tel modèle le bienfaiteur à des réserves qui l’empêche de faire le bien dans toutes ses formes, celui qui a besoin de ces actions s’enfonce de plus en plus dans sa misère, et le medium reste le diable à qui ceux qui veulent sauver leurs âmes n’auront jamais recours. Les lésés resteront lésés, les victimes se métamorphoseront en criminels et se fonderont l’un dans l’autre jusqu’à ce qu’ils deviennent les deux à la fois et aucun des deux cas. Qu’est ce qui justifie donc une telle absence ou restriction du champ d’intervention des associations au Maroc ? Et où se manifeste la volonté politique au cœur de ce dilemme ?
L’un des obstacles que connait le milieu associatif au Maroc est la justification voire même la légitimité de violation de valeurs sociales, économiques et politiques normalement inacceptables, sous le voile des idéologies supportés par l’association. La situation est : Pouvoir VS Bien Commun de la société, faisant un flash-back dans l’histoire de l’humanité, je vous laisse deviner qui prendra le dessus. Pour atteindre ce pouvoir désiré, les vertus se perdent dans l’intérêt comme les fleuves dans la mer, et se voient remplacés par le clientélisme, l’exclusion sociale, même discrimination ; le tout est atténué par leurs rapport paradoxale avec le profil prétentieux des associations. Les membres ne font de leurs mieux pour atteindre les objectifs de l’association que pour pouvoir en bénéficier en fin du conte.
Un des exemples les plus flagrants de la légitimation de l’illégitime que permettent certaines associations à leurs adhérents est vivement illustré par les membres d’une association œuvrant dans le domaine culturel, plus spécifiquement, dans le soutien scolaire et l’alphabétisation : « Nous aidons à faire le calme malgré le chômage, donc ils nous laissent faire ce qu’on veut ». Formelle ou pas, elle crée des opportunités de travail aux chômeurs, et leur assure un moyen de gagner leurs vies. Cet informel se justifie comme suit : « D’une certaine façon, ils nous utilisent quand ils vont dire à Rabat : voyez, nous avons des associations performantes. Mais nous le savons et c’est bien comme cela : nous ne payons pas d’impôts, c’est du donnant-donnant. Mais l’Etat est contre le bénévolat : il n’investit pas dans le travail social […] » Ou encore : « Si une association fait bien son boulot mais a un problème comptable, comment pourrais-je l’interdire ? […] S’il y a un bénéfice pour la population, moi je ferme mes yeux » telle est la position d’un fonctionnaire en cas d’enfreinte de loi par une association.
Un autre obstacle qui mérite d’être cité est l’exiguïté du champ d’action de la majorité des associations marocaines dont la vocation principale est d’œuvrer dans le domaine caritatif et social. Cet aspect du travail associatif est important voir même primordial aux bien être de notre société, cependant il faudrait aussi s’intéresser à d’autres problématiques que nous présente notre communauté et tacher d’y remédier. Ces associations qui ne sont pas quasi inexistantes au Maroc, par contre elles restent « fragiles » dues aux pressions politiques qu’elles subissent et au manque de sensibilisation des populations envers leurs causes. Des causes considérées comme tabous dans une société musulmane comme la nôtre tel que les droits des personnes atteintes de Sida ou encore les filles-mères. En revanches les associations à vocation plus ou moins proche du domaine politique restent les plus opprimés. Ce sont principalement celles qui militent pour la défense des droits de l’Homme en général, de la femme en particulier ou alors de quelques minorités.
Cette oppression pousse les dirigeants associatifs à garantir les meilleures relations avec les fonctionnaires du pouvoir public ce qui engendre des effets pervers. Dans le cas échéant, leurs associations sont soumises à des restrictions du type : annulation de formations, portes de locaux verrouillés, annulation des rencontres sous des consignes données aux propriétaires du local, ou autres entraves. Comme le déclare clairement l’AMDH ou encore l’Association Marocaine des Droits de l’Homme dans une émission focus de France 24 , une de leurs réunions avait été interdite, et par conséquent le Ministère de l’Intérieur avait versé une amende de 10 000 euros. Pourtant, cela n’avait pas marqué la fin de ces restrictions, en moins de cinq mois, l’AMDH avait connu plus de 50 interdictions. Ces interdictions sont donc des outils pour pouvoir, et je cite les paroles d’un membre de l‘AMDH, « museler les voix de tous ceux qui critiquent la politique du gouvernement ». L’AMDH reste un exemple entre d’autres qui illustre la façon avec laquelle le gouvernement marocain gère les associations qui supportent des philosophies contradictoires à la sienne, et contrôle la société civile à sa guise.
Sans oublier l’existence de lois, plus répressives que libératoires, qui gèrent la création et le maintien des associations. « Toute association fondée sur une cause ou en vue d’un objet illicite, contraire aux lois, aux bonnes mœurs, ou qui aurait pour but de porter atteinte à l’intégrité du territoire national ou à la forme monarchique de l’état, est nulle et de nul effet » , cette loi est une forme bien évidente de limites judiciaires due à son imprécision. Le gouvernement pourrait considérer n’importe quel acte qui le dérange comme étant «contraire aux bonnes mœurs » ou encore «qui aurait pour but de porter atteinte à l’intégrité du territoire national ou à la forme monarchique de l’état » puisqu’il n’y a pas de caractères précis qui définissent chacun des deux cas. L’oppression des associations n’est donc pas seulement l’acte de quelques bureaucrates mais plutôt une stratégie nationale pour pouvoir marginaliser et affaiblir les associations qui focalisent leur travail sur des sphères politiquement sensibles.
Personne ne pourrait nier le fait que le tissu associatif est primordial au maintien et à la stabilité d’une société moderne, pourtant, le tissu associatif marocain est agonisant. Entre abus de pouvoir et oppression, il est en train d’expirer son dernier soupir avant d’atteindre son vrai potentiel, au moment même où la société marocaine a le plus besoin de lui. La maladie le range de l’intérieur, son corps malade ne peut plus résister aux chocs provenant de l’extérieur, pourtant, il est fusillé par des attentes auxquels il doit répondre. Il est bien évident qu’on ne pourrait pas attendre grande chose d’une telle situation. Alors que faire ? Un enfant de cinq ans vous dira qu’il faut le guérir et le protéger pour pouvoir bénéficier des fruits de son travail. Mais la situation semble un peu plus compliquée que cela, n’est-ce pas ? Cela revient au fait qu’elle est liée à la volonté des personnes concernées - les membres des associations, les bureaucrates, le gouvernement - de considérer le bien commun avant leur bien personnel. Que cela soit par le biais de l’éducation ou celui du châtiment, c’est là où il faut puiser toutes ses efforts pour notre bien, nous citoyens marocains, riches ou pauvres, jeunes ou vieux, en position de pouvoir ou rêvant d’un changement.
GUERISSONS ET PROTEGEONS NOTRE TISSU ASSOCIATIF.